dimanche 13 mai 2007

Mon parasite

Quand je me suis transplantée de la ville à la campagne profonde,
il y avait quelque chose que je n'avais pas fini et que j'ai traîné ici.
un ph.d.
Je suis arrivée arrivé à la ferme avec mon bébé, mon homme, notre barda et 4 ans de données bien compilées.
11 cahiers de données de travail au terrain.
des cartables et des cartables de notes et de données de laboratoire.
un classeur plein d'articles scientifiques.
Et le calvaire a commencé.
Pendant trois ans j'ai alterné: 6 fois de vie agricole, 6 mois de rédaction. 0 vacance.
Le pire c'était l'automne. Reprendre mon travail laissé en chantier au printemps d'avant.
Honnêtement, je ne passais pas mes étés à lire des articles scientifiques afin de rester à la fine pointe.
J'ai passé tout près d'abandonner ce mastodonte... environ 10 000 fois!
Dans un moment d'écoeurement total, après une nuit d'insomnie, mon petit Loup qui était encore plus petit alors, m'a embrassé au lever du soleil en me disant:
"Je suis fier de toi, maman"
Il n'avait pas 3 ans.
À partir de là, j'ai fait un sprint. J'ai déposé ma thèse un 30 avril, la veille du début des plantations au champ. On a fêté.
Mais... ce n'était pas fini...
restait la soutenance... le 13 février qui a suivi.
Une fois de plus j'ai dû m'y replonger pour défendre mes recherches devant les bonzes.
(EN passant, c'est complètement exaltant que de soutenir une thèse de doctorat.)
On a fêté.
Mais... ce n'était pas fini...
S'imposaient ensuite les dernières corrections avant le dépôt final aux archives.
Paperasse et obtention du diplôme.
On a fêté.
Mais... ce n'était pas fini....
tâches subséquentes: soumettre les articles produits...
Remettre en format adéquat, synthétiser, intégrer les dernières découvertes et références.
Peser sur SEND.
Fêter.
Mais... ce n'est pas fini...
Recevoir l'évaluation de mes pairs et y répondre, 1 fois 2 fois...
Analyser critiques et commentaires, justifier des éléments de discussion, reprendre certaines statistiques, fignoler des figures, mettre les références à jour encore une fois...
J'en ai un là... je ne suis plus capable de le voir... je le traine comme un boulet.
Je dois répondre avant la fin du mois. Mais j'ai un champs à planter! une cuisine à construire!
J'ai une vie à vivre après le doctorat, moi!
NON MAIS!

7 commentaires:

Anonyme a dit...

Ouf, chère Salette, tu dois avoir la nausée quand tu l'aperçois sur le coin du bureau, cette thèse ;)
Tu as beaucoup, beaucoup de mérite(et de persévérance!!!).

Et ... à mon tour de te demander sur quoi il porte, ce doctorat, madame la Docteure ?

Anonyme a dit...

Ben, j'espère qu'ils vont te lâcher les baskets tes "pairs". Je suis sûre qu'ils repiquent pas comme toi les oignons et en plus, des asperges ???? En canne, les asperges, mes pairs-vers! (Je ne les connais pas, sont peut-être ben fins, par exemple.)

Lâche pas !

Salette a dit...

merci geneviève...
Des fois, je me dis que ma persévérance est une maladie mentale mais entuca!
Mon domaine de recherche est fondamental en écologie forestière. J'ai fait la thèse que je voulais faire. J'ai étudié les relations plantes-sol. Rapido: le sol affecte la distribution et le productivité des plantes. Ce dont on tient peu compte c'est qu'en retour les plantes (et surtout les arbres qui restent longtemps à la même place) influencent énormément le sol et par ricochet tout l'écosystème: faune, flore, microorganismes, chimie du sol...
Ma spécialité, c'est l'azote. Weird la madame hein?
Ce qui me passionne ce sont les relations entre les différents composantes d'un système. Tu sais la réalité est bien loin des cours de bio du secondaire ou du cégep ou la règle de base c'est compétition compétition compétition, où la nature c'est la loi de la jungle de bord en bord. Peut-être que c'est parce qu'on évolue dans un monde capitaliste qu'on considère le monde ainsi. Peut-être est ce parce que la science a toujours été dominée par les mâles, qui, par définition (de biologiste) sont compétitifs.. En réalité, il y a beaucoup d'entraîde en nature, Une forêt est un tout cohérent ou chaque composante a sa raison d'être...
à la toute fin de ma thèse, j'ai cité Einsteen: 'Dieu ne joue pas aux dés' parce que malgré son exhubérance, la cohérence de la nature est renversante...

Salette a dit...

Merci Mia!
Ben tu sais ç'est ça le processus de validation de la science...
L'évaluation par les pairs...
SUPER IMPORTANT!
Le hic est que la vie des chercheurs étant devenue ce qu'elle est avec 1 000 000 d'obligations autres que la recherche, ils prennent des fois jusqu'à 6 mois pour commenter et évaluer ton papier et après un autre 6 mois pour l'évaluer de nouveau et accepter ou non les modification. SAUF que grace à ce fonctionnement rigoureux, la science est une des seules choses sur laquelle on peut se fier de nos jours, même si des fois des fraudes réussissent à se glisser...
J'ai beau valoriser cela, c'est long pis chiant pareil!

Anonyme a dit...

Chère Salette,
Suis bouche bée d'admiration. Vraiment.

Tellement que je me suis mise à cliquer partout sur ton site... Et suis atterrie sur Slow Food International... Une découverte, un trésor. Je veux tout lire. Surtout que ça se passe beaucoup "in Italia". Je n'en reviens pas qu'il existe un programme de maîtrise en gastronomie près de Parma. Tu imagines le trip ? Ah si j'étais millionnaire...

Seras-tu d'accord pour dire que l'Italie ne s'étant pour ainsi dire pas vraiment adonnée à la culture intensive, le sol y est spécialement propice, pour ne pas dire "propre", à l'agriculture bio ?

Quand tu auras le temps, vas-tu pouvoir nous parler un peu de Slow Food ?

Ça peut attendre à l'hiver prochain, tu sais ;)

Anonyme a dit...

Merci pour toute cette mise en contexte !
Et juste à te lire, on peut facilement percevoir que ça te passionne, ce sujet. La science a assurément besoin de passionnées comme toi :)

Salette a dit...

je rougis, mais ca ne parait pas je suis couverte de terre après ma journée dans la serre...
ok je note pour Slow Food
merci! à bientôt... demain je joue à l'entrepreneur alors je dois aller me brosser les ongles!