lundi 28 mai 2007

to blog or not to blog - scène 1

ça fait pas longtemps que je m'y suis mise

Au début j'étais assez sereine avec ça.

Là... pas toujours. C'est assez obsessif tout ce blogage....

et il y a une grosse partie de moi qui est mal à l'aise.

Ma motivation initiale était simple.

Depuis que je suis 'fermière de famille', i.e. depuis que je fournis des paniers bio à des gens qui adhèrent à l'agriculture soutenue par la communauté (ASC), j'écris à mes partenaires (clients d'ASC) la feuille de chou, un bulletin hebdomadaire contenant des nouvelles de la ferme, des recettes et des infos sur les légumes du panier.

Je le dis encore une fois... je suis devenue agricultrice sur le tard, ça m'a pris du temps à m'assumer fermière, je n'y connaissais rien et n'y comprenais rien à la campagne. Le fin fond du bois, oui! le centre de la métropole, oui!, mais pas la campagne....

J'ai découvert ici des passions, l'amour du travail, de l'authenticité, la générosité, la camaraderie. J'ai appris qu'en région, on peut faire quelque chose. Le sentiment d'impuissance et la morosité que j'avais laissé grandir en moi, en ville, a peu à peu fait place à l'engagement.

Écrire à ceux qui mangeaient mes légumes allait de soi

Mon cheval de bataille étant de contribuer à tisser des liens entre les préoccupations rurales et citadines. Le monde agricole est en crise sévère, au Québec comme ailleurs. Taux de suicide faramineux des cultivateurs, disparition des fermes à un rythme effarant, taux de stress alarmant, pauvreté, dépression. Et pourtant c'est un métier parmis les plus valorisants...

Je voulais, par ma feuille de chou, à ma mesure, communiquer la beauté et les abhérations de la vie à la ferme, tel que vécus par une néophyte.

D'année en année, j'y ai pris goût. J'ai trouvé de plus en plus de choses à dire. Les commentaires ont été de plus en plus adondants et positifs. et me voilà à bloguer au lieu de me laver le soir... c'est pas vrai... je ne me lavais pas plus avant... sauf que ma terre est propre!

dimanche 27 mai 2007

tout ça pour ça...

à la maison ronde, la porte du sous-sol était restée grande ouverte tout l'hiver.

Au printemps on y a retrouvé des crottes de chevreuils et de porcs-épics.
Quand employés et wwoofers y ont emménagé début mai, ils ont cru bon limiter l'accès du sauvage à l'espace sous leurs pieds. Ils ont fermé la porte.
S s'y est aventuré l'autre jour et a découvert cette merveille de délicatesse, minuscule et parfaite.


Autant de travail accompli par un si petit être... et perdu...
Le petit nid douillet, tissé de brins d'herbe, de mousse et de lichen, tapissé de cheveux et de poils, solidifié à la boue, contenait, oh comble du serrement de coeur!, un oeuf minuscule. Il n'avait pas été couvé depuis des jours, seul dans son écrin. Triste S a apporté sa trouvaille à la maison. Nous l'avons observé avec émerveillement et dépit. Je n'ose pas m'imaginer la détresse des parents incapables de retourner à leur progéniture... En essayant de le prendre entre ses petits doigts, Loup a cassé la coquille de l'oeuf.

Je crois avoir trouvé pourquoi ton oiseau s'époumonne, Mia.... Une perte trop grande pour un si petit être...

samedi 26 mai 2007

C'était le temps des fleurs...

Mon amie P m'a confié un jour qu'elle était un saumon...
Elle s'est expatriée de la métropole pour vivre avec son doux M en région.
mais l'appel de Montréal reste fort.
à l'écouter, j'ai compris que Montréal lui parle de son histoire, tout comme Major Babe qui sortait de la ville l'été passé, pour travailler venir au champ et frayer avec ses souvenirs.
J'aime Montréal. Quand j'y retourne j'ai un petit pincement.
sauf qu'à force de m'asseoir sur les marches de ma gallerie, je me suis ancée dans ma campagne profonde.
J'imagine que pour P, les souvenirs d'enfance se déroulent sur la rue Ste-Catherine.
Ce matin, jour spécial, je me suis remémorée mes plus intenses et archaïques souvenirs de bonheur.
Mon garçon fête son anniversaire fin mai, et depuis que nous sommes ici, nous organisons une fête, simple, une peu bancale comme diraient nos provençaux, mais dans mes souvenirs de saumon, c'est presque come ça que ça se passait.
On partage un repas, les enfants jouent, des parents aussi, on prend un verre, on rie beaucoup, on parle beaucoup, de pas grand chose.. on parle peu. On arrête le temps avec ceux qu'on aime. Dehors. Chez nous.
J'ai vécu ma petite enfance dans une bourgade à la limite du vrai nord. Mon souvenir le plus confortant et qui titille le saumon en moi est une fin d'après midi d'été, au Lac Gatineau. On se retrouvait chez les Houle, avec une couple de familles. Aucune idée de ce que les parents faisaient mais il y avait de la bière, beaucoup de rires et la chanson de Vicky: C'était le temps des fleurs... qui jouait sur le pick up.
Mon souvenir de moi même est de grelotter, assise emmitoufflée dans ma serviette sur le bord de l'eau. Mon frère qui me dit que j'ai les lèvres bleues. Les matelas pneumatiques. Les piqûres de maringouins et les coups de soleil. Sauter du toit du ponton en faisant des 'bombes' oudes 'flattes'. Mon costume de bain speedo avec une feuille d'érable sur la bédaine. Les sangsues qu'on fait agoniser en les saupoudrant de sel. Le 'feeling' de la trace humide dans le divan quand on s'était assis pour jouer à 'Jour de paye' dans le chalet juste en sortant du lac. Boire du Cream Soda. Jouer à boggle sur la plage avec le sable qui trouve son chemin entre la peau et le costume de bain, et qui râcle entre les fesses. S'endormir devant le feu, le soir, sur la serviette encore humide, les cheveux plein de sable. Avec en écho, les parents qui rient trop fort.
Il y a mon grand père aussi. que j'ai trop peu connu. sur le bord du lac. le lac et le bois.
Je suis un saumon. Il me manque juste un lac.

mardi 22 mai 2007

avec un arrière goût de bouette

L'année passée, nous avons eu une saison de merde.
Pas un petit peu de merde. De la grosse grosse merde. Un cauchemar de saison.
Pluies torrentielles à répétition, orages hyper violents, des vents à faire peur, de l'eau de l'eau de l'eau qui n'en finissait plus de nous tomber dessus et de surgir de la terre. Partout tout le temps de l'eau. les légumes ne savent pas nager.
des kilomètres de carottes pourries...
on a travaillé encore plus dur que durant une saison normale pour finalement perdre de l'argent à cultiver. PERDRE DE L'ARGENT, dépenser de l'argent de nos poches. Travailler comme des caves pendant 6 mois, sans dépenser une maudite cenne et se retrouver plus pauvre après. Changer le chèque d'allocation familiale pour payer l'essence de la livraison de légumes.
Se retrouver le cul sur la paille à l'automne avec tellement de questions en tête qu'on arrive plus à réfléchir.
je vous en dis pas plus que ça: 50% de pertes au champ. C'est déjà dur de vivre de l'agriculture quand ça va bien....
ce type de contreperformance est absolument impensable dans tout autre domaine.
On y peut rien, la nature prend le contrôle de notre travail... On est complètement impuissant
ET ça donne un méchant coup dans l'orgueil.
on en sort transformé, comme d'un deuil.
J'en encore au ventre la tension d'un été de nuits d'insomnie
Il n'y a pas si longtemps, une telle saison signifiait la famine. Il n'y a pas si longtemps.
On vit dans une drôle d'époque.
Pour toutes sortes de raisons, nous avons pris la décision de continuer à mettre des petites graines dans la terre cette saison. Malgré bien des choses. Avec nos rêves rafistollés tant bien que mal avec de la broche à foin.

dimanche 20 mai 2007

marcher maladroitement

Je me suis engagée envers moi même il y a longtemps.
J'ai fait le serment de prendre à bras le corps ma vulnérabilité.
D'assumer sans arrêt mon humanité.
très exigeant métaboliquement parlant,
fatigant.
et il y a quelque chose de vulgaire la dedans
Mais sinon... à quoi bon.

samedi 19 mai 2007

la visite qui, par bonheur!, ne décolle pas

Ma campagne est vachement profonde.
Mais des embassadeurs du monde entier nous visitent. Ici même, au fin fond de mon rang.
ça me fait un peu voyager, maintenant que je n'en ai plus le temps, ni l'argent...

Ça s'appelle WWOOF. WWOOF pour willing workers on organic farms.
De que cé? me direz vous.
une société secrète? une gang de freaks? une secte????
meuh non!
WWOOF est une organisation mondiale active dans plus de 70 pays.
De mon coté j'inscris ma ferme comme étant prête à recevoir des bénévoles.
De l'autre coté, des gens, désireux de venir vivre à la ferme et donner un bon coup de main nous contactent et débarquent...
En échange du gîte et de la bouffe, ces joyeux fermiers d'occasion se mettent les mains dans la terre avec nous.
ET c'est là que l'aventure commence!

Tous les âges, toutes les nationalités, toutes les motivations sont bonne pour wwoofer: se mettre au vert, décrocher du quotidien, sauver la planète, faire pénitence, apprendre, vivre l'expérience avant de faire un retour à la terre, voyager pas cher... Name it!
on a eu un couple d'ontariens fin trentaine qui arrivé à vélo et dont une moitié détestait les légumes;
on a eu un couple de gringos intellos, jeune vingtaine, qui parlait à eux deux 11 langues, voyageaient avec une valise pleine d'épices et des saucissons faits mains par un mononcle italien de Sault Ste-Marie, étaient en voyage de noce et pouvaient récolter des haricots 10 heures par jour en parlant de la musique de Françoise Hardy, de post-modernisme et de politique japonaise;
on a eu un pakistanais né musulman parti faire ses études en informatique à Tucson, Arizona, pour ensuite devenir moine bouddhiste dans le nord de l'Ontario;
on a eu la future première ministre du pays, splendide progéniture de la plus haute gomme, qui à 17 ans, parlait avec un jugement et un bagage de connaissances époustoufflants, tricottait le soir et était belle comme une sirène;
Sans parler d'une magnifique saskatchewanaise, qui désherbait en chantant, nous préparait le souper et dont les parents élevaient... des chevaux nains et des paons!

Présentement, nous avons, Oh bonheur! 2 provencaux. Ils sont arrivés avec le projet de rester 1 mois. La semaine passée, ils ont étiré leur projet de séjour d'un mois et voici que tout à l'heure ils manifestaient l'intérêt de rester un troisième mois, soit jusqu'à la fin juillet.
Ils m'en ont informé quand ils sont venus nous offrir un pain pétri dans l'après midi et qui sortait du four et une cruche de vin de pissenlits à faire fermenter dans la maison puisqu'il fait trop frais dans la maison ronde.

Cette maison ronde où ils logent avec les employés est en plein bois. Il n'y a ni eau ni électricité.
Cette drôle de construction (ronde!) qui était déjà sur notre propriété lorsque nous en avons fait l'acquisition. On ne l'a pas choisi mais c'est une super cabane à wwoofers. Nous leur avons installé les commodités de base ailleurs sur la ferme (douche, frigo...). Le site est enchanteur mais c'est quand même de se mettre au vert pas à peu près que de s'y installer.

Un peu confuse de leur imposer un tel isolement, je leur offre de les amener en ville quand je vais faire mon karaté. Aucun intérêt! ils sont comblés là où ils sont à partager notre vie à la ferme... Réjouissant! Je leur ai proposé de nous faire de la bière d'épinette...

mardi 15 mai 2007

Dans une saleté relative

à mon garçon, je dis que la terre n'est pas sale.
surtout la mienne.
bien propre ma terre:
  • sans ogm
  • sans pesticide chimique
  • sans engrais de synthèse
Quand je remets le même pantalon que la veille pour aller au champ, je me dis que ma terre n'est pas sale...
Quand les employés entrent et sortent de la maison, avec leurs bottes, je me dis que ma terre n'est pas sale...
Quand à la sortie de la laveuse, ma chemise a la même couleur que lorsque je l'y ai mise, je me dis que ma terre n'est pas sale...

Quand je mange un légume racine frais cueilli avec tout le croustillant en extra, je me dis que ma terre n'est pas sale...

Quand je suis morte de fatigue et que même le bain, c'est trop, je me dis que ce n'est pas bien grave, ma terre n'est pas sale...

Sauf que...

quand vient le moment d'aller en ville, des mesures s'imposent.

Demain, je présente 123 soleil! devant le jury national du concours québécois en entrepreunariat, dans le quartier des affaires à Montréal. Dans un gros bureau de comptables.

Là la terre, c'est sale!

Exit les souliers où on pourrait me voir les orteils. Par chance on annonce assez froid.

ET les mains? on n'annonce pas assez froid pour que je les cache dans des gants...

Je sors d'un bain spécial gommage intense qui me rend digne de la civilisation.

Mes mains sont PROPRES ET SANS TRACES DE TERRE grâce à :

La petite brosse qui brosse pas à peu près!
douce et efficace, elle vient à bout de la pire crasse,
et de la terre, même la plus propre...

parole de cul terreux!

dimanche 13 mai 2007

Mon parasite

Quand je me suis transplantée de la ville à la campagne profonde,
il y avait quelque chose que je n'avais pas fini et que j'ai traîné ici.
un ph.d.
Je suis arrivée arrivé à la ferme avec mon bébé, mon homme, notre barda et 4 ans de données bien compilées.
11 cahiers de données de travail au terrain.
des cartables et des cartables de notes et de données de laboratoire.
un classeur plein d'articles scientifiques.
Et le calvaire a commencé.
Pendant trois ans j'ai alterné: 6 fois de vie agricole, 6 mois de rédaction. 0 vacance.
Le pire c'était l'automne. Reprendre mon travail laissé en chantier au printemps d'avant.
Honnêtement, je ne passais pas mes étés à lire des articles scientifiques afin de rester à la fine pointe.
J'ai passé tout près d'abandonner ce mastodonte... environ 10 000 fois!
Dans un moment d'écoeurement total, après une nuit d'insomnie, mon petit Loup qui était encore plus petit alors, m'a embrassé au lever du soleil en me disant:
"Je suis fier de toi, maman"
Il n'avait pas 3 ans.
À partir de là, j'ai fait un sprint. J'ai déposé ma thèse un 30 avril, la veille du début des plantations au champ. On a fêté.
Mais... ce n'était pas fini...
restait la soutenance... le 13 février qui a suivi.
Une fois de plus j'ai dû m'y replonger pour défendre mes recherches devant les bonzes.
(EN passant, c'est complètement exaltant que de soutenir une thèse de doctorat.)
On a fêté.
Mais... ce n'était pas fini...
S'imposaient ensuite les dernières corrections avant le dépôt final aux archives.
Paperasse et obtention du diplôme.
On a fêté.
Mais... ce n'était pas fini....
tâches subséquentes: soumettre les articles produits...
Remettre en format adéquat, synthétiser, intégrer les dernières découvertes et références.
Peser sur SEND.
Fêter.
Mais... ce n'est pas fini...
Recevoir l'évaluation de mes pairs et y répondre, 1 fois 2 fois...
Analyser critiques et commentaires, justifier des éléments de discussion, reprendre certaines statistiques, fignoler des figures, mettre les références à jour encore une fois...
J'en ai un là... je ne suis plus capable de le voir... je le traine comme un boulet.
Je dois répondre avant la fin du mois. Mais j'ai un champs à planter! une cuisine à construire!
J'ai une vie à vivre après le doctorat, moi!
NON MAIS!

vendredi 11 mai 2007

4 ans plus tard... le turion se pointe!

Voilà 4 ans j'ai semé des asperges.
J'ai SEMÉ des asperges, je n'ai pas simplement planté des griffes.
Ce que ça veut dire?
Ça veut dire 4 ans!
4 ans avant que les griffes soit assez forte pour donner.

En me rendant au village, j'ai passé devant chez le suisse
Il en a planté un acre, l'an passé. Planté des griffes prêtes à produire.
J'ai bien noté les turions qui pointaient ici et là dans son champ, comme un seul homme.
Les tout premiers.
Puis revenant de semer des carottes, j'ai fait un détour.
On sait jamais. Je m'attendais à peu, je les ai négligées tout l'été de mer... 2006, trop occupée à survivre...
Parmi la démesure de mauvaises herbes, ils étaient là, pointant avec arrogance.
Quelques uns seulement mais... un délice sublime!
S a enfilé sa portion avant que Loup ait le temps d'enfourcher sa première bouchée.

C'est donc commencé et nous en avons pour 6 semaines à nous régaler chaque jour.
Condamnés à les consommer étant donné la mise en marché fastidieuse, hors saison des autres culture et en pleine saison de mise en culture des jardins..
Et à partir de maintenant, chaque printemps nous aurons droit à ce festin.
Finalement, 4 ans c'est bien peu!

mercredi 9 mai 2007

garniture d'oignons en dentelle

Accroupis en plein milieu du champ,
quand on repique des oignons, il est bon de regarder, tête au ras du sol, le travail accompli. et non l'étendue qu'il reste à garnir. Un semis d'oignon est tellement tellement minuscule dans un champ que ça provoque inmanquablement des questions existentielles.
Mais 4 rangs de 100m d'oignons espacées aux 10 cm, bien parallèles... quand arrivés au bout de la planche, on se colle l'oreille sur la terre encore froide, c'est de la dentelle!
Après 9 plateaux de 700:
- 7, 8 , 9! 9! on a presque fait le tiers des oignons!
Un nouveau helper fraîchement débarqué m'a regardé d'un air ahuri:
-le tiers??????!!!!

mardi 8 mai 2007

et les astres s'alignent...

Qu'est ce qui se passe?
Ça va trop bien.
Courriel de L, super bras droit de l'été passé qui veux revenir cet été
J'ai gagné l'étape régionale du concours québécois en entrepreunariat, je passe au national
Courriel du gvnment, THE JOB veut de moi
Le deux wwoofers provençaux fraîchement arrivés nous ont donné une excellente première impression
F, encours d'ami et webmestre perso a mis en ligne le site web de ma ferme.... bientôt disponible sur vos écrans... yébo!
J'ai exorcisé l'été de me... 2006 au champ et y ai même planté des oignons ce pm
je me sens comme au club med (même si je n'y suis jamais allée):
dans ma tête ca chante en boucle: ça va bien...
Seule hic: la clutch du tracteur qui veut nous lâcher en plein rush de champ

vendredi 4 mai 2007

ZEN, le jardinage? Équilibrée, la jardinière?

Ma vie est schizophrène.
Je vis la maniaco-dépression saisonnière propre à bien des maraîchers...
AU printemps, c'est la frénésie, les projets, la naissance...
L'amorce de la saison avec toutes ses promesses de fertilité et de récoltes gargantuesques, avec ses sachets de semences qui nous font fantasmer de festins bucoliques, ses nouvelles résolutions et ses plans de fous...
L'été est marathon. 3 mois à force maximale. Dans le tapis. du 70h/semaine au meilleur de nous même. NON STOP. Le travail, le dépassement, la fête aussi puis viennent et s'amplifient les récoltes.
Le manque de temps pour savourer tout ce que la terre a à nous offrir.
Le 38 portions de légumes par jour.... empoigner une tomates parmis les 35 variétés (à l'instant même, celle dont je rêve est une grosse Cherokee Purple), sous la main chaude de soleil et gorgée de vie, y enfoncer les dents, et l'eau de végétation qui coule sur le menton, une bouchée, 2 bouchées et puis hop, une petite pratique de lancer jusqu'au fossé de draînage, la bouche étant courtisée par un petit cornichon Boothby Blonde....

Le son de carottes qu'on tire de la terre, cloc... le je ne sais quoi d'épicé dans la carotte Dragon, et le croustillant de la belle grosse Touchon. Tôt le matin, la tendre laitue et les feuilles de fenouil....
Les bébés pois sucrés sortis d'une illustration de livre pour enfant, d'un vert surnaturel qui craquent sous la dent... La récolte des haricots avec 1/10 qui finit dans le gorgotton...crouc... Le maïs qu'on casse, qu'on déballe et dans lequel on mort à grandes dents

La lame de l'opinel qui tranche un melon Rayyan et l'odeur empireumatique de la chaire tiède... Les doigts qu'on lèche, la lame qu'on essuie sur le pantalon...
Puis arrive l'automne, le soleil qui nous fausse compagnie, le froid qui nous rentre au corps, laver les légumes les mains dans l'eau glacée, habillés comme la chienne à Jacques avec la goutte au nez, descendre au champ quand il fait noir le matin en bottes sorel et en combines... le besoin viscéral de cuisiner, d'emmagasiner. Le premier gel qui a l'effet d'un choc électrique, les petits gels qui se succèdent. La fatigue qui s'amplifie et l'envie subite d'un bon gros gel pour que ça finisse pour enfin s'encabaner...
Et la fatigue totale qui s'installe. La fatigue totale.
La remise en question. les nuits d'insomnies. Les sudokus en pyjama, le ménage de 6 mois de pas pantoute, les excès de bouffe et de vin, les bourrelets qui se pointent et les pantalons qui serrent, le blog démarré sur internet à basse vitesse, les demandes d'emplois... jusqu'à ce que se pointe la folie du printemps...
SCHIZO!

Tout ça pour dire qu'après 5 mois dans ma cabane,
J'ai (entre autre) bêché et greliné (joli mot! pasé la grelinette si vous préférez...) la vieille serre au complet cette semaine. TU SEULE! Question de réveiller mon corps endormi. PIS
J'ai mal partout et je me sens comme Karaté kid...

mercredi 2 mai 2007

Le poulet, son éleveur, Paul Auster et sa femme

Je le dis souvent, S et moi, ne sommes ni fils ni fille d'agriculteur.
On apprend sur le tas. Nous commençons à ressembler à des fermiers, surtout à partir du mois d'août, mais c'est un long cheminement.
Comme on a tous les deux été longtemps à l'école, nous lisons pas mal sur tous les sujets touchant de près ou de loin à l'agriculture...
Au lit, un soir, S feuillette pour la nième fois un de ses 23 livres sur l'élevage des oiseaux de basse-cour, quand tout à coup:
S: " Poulet de grain! Poulet de grain!"
Moi: "Han?"
S: "Depuis qu'on est jeune que c'est la grosse affaire... Du poulet de grain... du poulet de grain...."
Moi: " quoi?
S: "Mais oui: du poulet de grain! le monde dit: le poulet de grain est plus cher mais c'est vraiment meilleur..."
Moi:" Ouin... du poulet de grain."
S:" C'est ça... du poulet de grain..."
(ça a duré un certain temps, j'étais absorbée par Paul - Auster - et je n'écoutais pas tout à fait... je saute donc un bout de l'échange -Poulet de grain... - ouin poulet de grain... parce que sinon nous aurions l'air de têtes à claques.) Soudain, il m'explique:
S:"Un poulet, c'est OMNIVORE! Il faut qu'il mange des insectes, le poulet, qu'il coure dehors... qu'il cherche sa bouffe et qu'il mange de l'herbe, le poulet... Dans le fond, quand ils disent poulet de grain, il disent poulet nourri au maïs OGM... Pis ils nous font croire que ça c'est synonyme de qualité "
C'est fort avouons le!
Avouons aussi que si nous vendions nos poulets, j'anticipe bien peu de de succès publicité avec: Poulet qui vit dehors malgré la grippe aviaire qui nous menace tous et surtout lui, qui mange un petit peu de grain mais surtout des asticots, vers de terre, mulots et insectes de tout acabit, ainsi que du chiendent et des légumes déclassés - certifiés bio soit dit en passant...

Moi, j'étais avec Paul - Auster. Étrange comme son nom, Auster ressemble à ce qu'il est : auteur... concordance signifiant/signifé... Je l'ai découvert au début de la vingtaine, une autre recommandation de mon frère A qui a toujours grandement influencé mes choix littéraires (il m'a d'ailleurs fait lire Henri Miller et Charles Buckowski à l'adolescence, ce qui a quelque peu altéré ma vision du monde de jeune nymphette...). J'ai découver Paul -Auster avec la trilogie New Yorkaise. Je n'avais jamais rien lu de tel. Cela m'est apparut d'une justesse et d'une intimité magnifique. Étrange et familier à la fois. J'ai toujours continué à le lire. Parfois je relis certains de ses livres et ils prennent une nouvelle dimension à mesure que je vieilli. J'ai une relation d'intimité avec cet auteur. Cela est bien prétentieux à affirmer mais c'est réel... quand j'ouvre un de ses livres, je sais à quelles émotions je serai confrontée... son univers m'est confortable. Ce sentiment de familiarité était particulièrement fort dans son dernier roman publié: Dans le scriptorium où les personnage des ses autres livres apparaissent un à un. Mon préféré, et pour moi le plus troublant parmi ses romans est La musique du hasard. J'y ai vu une métaphore puissante sur les différentes formes que prennent la relation perverse qu'entretient l'Amérique avec l'argent. J'ai été des mois à ressentir le malaise que m'a laissé le livre... je ne l'ai pas encore relu...

L'an passé, ma belle belle soeur L m'a prêté une livre écrit par nulle autre que l'épouse de Paul -Auster: Siri Hustvedt... Le titre en était: Tout ce que j'aimais. Si La musique du hasard m'avait perturbée, Tout ce que j'aimais m'a complètement sonné et le malaise dure encore. J'ai été complètement ébahie par l'intelligence totale de 1) cette auteure 2) cette femme 3) cette artiste. Je continue à la lire... envoûtée par 1) cette auteure 2) cette femme 3) cette artiste.
Présentement je suis plongée dans L'envoûtement de Lily Dahl. Une scène:
Un personnage demande à un autre de prononcer un mot écrit sur une serviette de table, voulant que sa bouche prononce le mot bouche... accord total du signifiant et du signifié...