mercredi 2 mai 2007

Le poulet, son éleveur, Paul Auster et sa femme

Je le dis souvent, S et moi, ne sommes ni fils ni fille d'agriculteur.
On apprend sur le tas. Nous commençons à ressembler à des fermiers, surtout à partir du mois d'août, mais c'est un long cheminement.
Comme on a tous les deux été longtemps à l'école, nous lisons pas mal sur tous les sujets touchant de près ou de loin à l'agriculture...
Au lit, un soir, S feuillette pour la nième fois un de ses 23 livres sur l'élevage des oiseaux de basse-cour, quand tout à coup:
S: " Poulet de grain! Poulet de grain!"
Moi: "Han?"
S: "Depuis qu'on est jeune que c'est la grosse affaire... Du poulet de grain... du poulet de grain...."
Moi: " quoi?
S: "Mais oui: du poulet de grain! le monde dit: le poulet de grain est plus cher mais c'est vraiment meilleur..."
Moi:" Ouin... du poulet de grain."
S:" C'est ça... du poulet de grain..."
(ça a duré un certain temps, j'étais absorbée par Paul - Auster - et je n'écoutais pas tout à fait... je saute donc un bout de l'échange -Poulet de grain... - ouin poulet de grain... parce que sinon nous aurions l'air de têtes à claques.) Soudain, il m'explique:
S:"Un poulet, c'est OMNIVORE! Il faut qu'il mange des insectes, le poulet, qu'il coure dehors... qu'il cherche sa bouffe et qu'il mange de l'herbe, le poulet... Dans le fond, quand ils disent poulet de grain, il disent poulet nourri au maïs OGM... Pis ils nous font croire que ça c'est synonyme de qualité "
C'est fort avouons le!
Avouons aussi que si nous vendions nos poulets, j'anticipe bien peu de de succès publicité avec: Poulet qui vit dehors malgré la grippe aviaire qui nous menace tous et surtout lui, qui mange un petit peu de grain mais surtout des asticots, vers de terre, mulots et insectes de tout acabit, ainsi que du chiendent et des légumes déclassés - certifiés bio soit dit en passant...

Moi, j'étais avec Paul - Auster. Étrange comme son nom, Auster ressemble à ce qu'il est : auteur... concordance signifiant/signifé... Je l'ai découvert au début de la vingtaine, une autre recommandation de mon frère A qui a toujours grandement influencé mes choix littéraires (il m'a d'ailleurs fait lire Henri Miller et Charles Buckowski à l'adolescence, ce qui a quelque peu altéré ma vision du monde de jeune nymphette...). J'ai découver Paul -Auster avec la trilogie New Yorkaise. Je n'avais jamais rien lu de tel. Cela m'est apparut d'une justesse et d'une intimité magnifique. Étrange et familier à la fois. J'ai toujours continué à le lire. Parfois je relis certains de ses livres et ils prennent une nouvelle dimension à mesure que je vieilli. J'ai une relation d'intimité avec cet auteur. Cela est bien prétentieux à affirmer mais c'est réel... quand j'ouvre un de ses livres, je sais à quelles émotions je serai confrontée... son univers m'est confortable. Ce sentiment de familiarité était particulièrement fort dans son dernier roman publié: Dans le scriptorium où les personnage des ses autres livres apparaissent un à un. Mon préféré, et pour moi le plus troublant parmi ses romans est La musique du hasard. J'y ai vu une métaphore puissante sur les différentes formes que prennent la relation perverse qu'entretient l'Amérique avec l'argent. J'ai été des mois à ressentir le malaise que m'a laissé le livre... je ne l'ai pas encore relu...

L'an passé, ma belle belle soeur L m'a prêté une livre écrit par nulle autre que l'épouse de Paul -Auster: Siri Hustvedt... Le titre en était: Tout ce que j'aimais. Si La musique du hasard m'avait perturbée, Tout ce que j'aimais m'a complètement sonné et le malaise dure encore. J'ai été complètement ébahie par l'intelligence totale de 1) cette auteure 2) cette femme 3) cette artiste. Je continue à la lire... envoûtée par 1) cette auteure 2) cette femme 3) cette artiste.
Présentement je suis plongée dans L'envoûtement de Lily Dahl. Une scène:
Un personnage demande à un autre de prononcer un mot écrit sur une serviette de table, voulant que sa bouche prononce le mot bouche... accord total du signifiant et du signifié...

7 commentaires:

Anonyme a dit...

Ah ben là la désillusion est grande, mon poulet de grain était pas bon!? Pour votre nouveau poulet omnivore, faudrait rapetisser le nom, améliorer le branding. Mais peut-être que si vous avez de la chance, vous pourriez être les instigateurs du buzzword alimentaire de la saison et faire la passe? Je sais pas moi, 'poulet équiliré', 'poulet-omni'... Hey, du poulet ça mange des mulots?!

Anonyme a dit...

Il a raison ton S. Le poulet de grain élevé lousse...c'est le naturel qui revient sur 2 pattes. Ici, il y a tout une mise en marché sur le "free range" ceci, "free range" celà. Les oeufs, la poule, le cochon, si c'est libre c'est bon ! La notion de liberté est incroyablement puissante d'évocation chez Tesco :)... Parlant de poulet... C'est vrai que Siri Hustvedt est magnifique. A-t-elle écrit autre chose depuis Tout ce que j'aimais ?

Salette a dit...

Sur le Poulet...
Le poulet de grain de ton éleveur était sûrement pas mal meilleur qu'un poulet fabriqué en usiné et 'nourri' (ou plutôt engraissé à la vitesse grand V)au grain ... partiellement pré-digéré...C'en était pas moins un poulet dénaturé...
Aucune chance qu'on commercialise nos oiseaux Free range... ça coûte un prix de fou à élever des bêtes heureuses... l'argent fait le bonheur des poulets, un beau logo!nulle risque de faire la passe $$$ comme tu dis, ni autrement en agriculture!!!!! de plus....me semble que ça doit pas être bien bon pour le karma, la viande... je reste légume!

Sur Siri Hustvedt:
comme je n'ai pas de table de chevet, à coté de mon lits sont éparpillés: Yonder, L'envoûtement de Lily Dahl et les yeux bandés...
que j'ai acheté lors de ma dernière virée à MTL parce qu'au village il n'y a que le journal local et de vieux Archie. Cependant elle aurait publié :Reading to You (Lire pour toi) en 1983
et récemment:
Les Mystères du rectangle: Essais sur la peinture (Mysteries of the Rectangle: Essays on Painting) 2005, trad. française 2006
A Plea for Eros 2006 (non traduit)

Anonyme a dit...

C'est donc ben dur vivre d'une agriculture qui aurait de l'allure et pour le producteur et pour le consommateur, de viande ou de légumes...!!! Me semble que certains restaurants auraient intérêt à servir du "free range"... Vive le poulet liiiiiibre !! :) C'est loin de goûter la même chose ! Anyway, jusqu'à ce que l'UPA se mette le nez aussi là-dedans je suppose. Je n'y connais plus rien, mais c'est triste quand même.

Anonyme a dit...

Wow, côté lecture, je suis en retard... Je me suis accrochée les yeux dans Corrections de Jonathan Franzen que je n'arrive pas à finir même si c'est quand même plutôt brillant... Je me précipite quand même sur amazon.co.uk pour en savoir plus sur madame Hustvedt-Auster. Merci !

Anonyme a dit...

C'est drôle moi j'ai commencé par Tout ce que j'aimais de Siri Hustvedt. J'ai été transcendée bien sûr par l'atmosphère inquiétante et instable et par la subtilité de cette auteur... J'ai enchaîné sur "L'envoûtement de Lily Dahl", et quelle merveille de féminité et de mystère réunis ce livre !

Et là, venant de lire "La musique du hasard" de Paul Auster, je peux crier : "Je veux qu'ils m'adoptent ces geeeeens !!"

http://littemmatique.canalblog.com

Salette a dit...

Bonjour Emma,
en espérant que leur quotidien ne soit pas aussi inquiétant que ceux qu'ils dépeignent tous les deux!
Moi aussi je veux qu'ils m'adoptent...
Quel couple quand même...
et en plus ils sont beaux comme des dieux tous les deux!
j'irai te visiter!