jeudi 8 mars 2007

la fin de l'humanité

Il y a quelques mois, j'ai lu 'Comment devenir un monstre' de Jean Barbe.
Je ne sais pas trop pourquoi je ne l'avais pas lu avant. J'avais entendu l'auteur à Indicatif Présent à la sortie du bouquin et le propos ne m'avait pas accroché. C'était le printemps si je me rapelle bien... Au printemps je suis toujours trop de bonne humeur... c'est le début de la saison, le temps des semailles et des plantations... On se prévoie une saison extraordinaire, on s'imagine des récoltes dignes des noces de Cana, l'avenir s'ouvre à nous... Un moment peu propice pour lire au sujet de la souffrance humaine, la perte ou le trop plein d'humanité, le 'Bob' (l'esprit malin de Twin Peaks) qui sommeille en chacun de nous.
C'est à l'automne, saison d'encabanage, de noirceur et de mort que j'ai dévoré ce livre que je qualifierai de chef-d'oeuvre. C'est un gros mot, je sais, mais c'est un des livres qui m'a le plus émue, troublée, questionnée, boulversée... Quand j'ai eu fini de le dévorer pendant une nuit d'insomnie, je suis restée à regarder la jaquette les yeux pleins d'eau. Je n'étais plus tout à fait la même...
J'avais lu 'Autour de Dédé Fortin' à sa sortie. Ce livre m'avait profondément interpellé. La raison en est simple: nous faisons partie de la même génération. La X. Même si je trouve un peu con de nommer les générations à chaque 2 ans et de s'examiner le nombril jusqu'à ce qu'il saigne, à part l'âge il y a des conséquences collatéralles à être né à une même époque. Et être fils et fille de baby boomer, ça crée des dommages. Barbe, comme nous tous a été terriblement meurtri par le suicide de Dédé et a tenté bien humblement et subjectivement de le comprendre dans ce livre. Je me suis complètement retrouvée dans ses propos.
Mais là, je sens que ma cohorte est en train de subir une profonde poussée d'acné. Je regarde autour de moi et il me semble que les x deviennent majuscules. Avec la quarantaine, nous ne pouvons raisonnablement plus être les 'jeunes'. Si les caissières sont plus jeunes que nous c'est peut-être que nous sommes devenus des adultes. Nous avons passé tellement de temps dans nos cocons, victimes d'infantilisation extrême que maintenant venu le temps de temps de l'éclosion, nos imago sont surdimensionnés. Trop achevés.
...
Je me suis mise au clavier parce qu'avant de remettre 'Comment devenir un monstre' à MC, ma bibliothéque personnelle (M.A. littérature maintenant gestionnaire), je voulais recopier ce passage:

'Mais quand vous récoltez ce que vous avez vous-même semé,
quand vous tuez le cochon que vous avez engraissé,
quand vous lui percez l'artère pour recueillir son sang dans une bassine de fer,
vous ne récoltez pas seulement du blé, du pain et du boudin,
vous gagnez aussi de la culture, de la dignité et de la fierté.'

C'est magnifique et c'est vrai.
Le problème avec l'agriculture contemporaine, c'est qu'un fermier qui a ce niveau de contact avec son labeur risque fort de faire faillite.
Et ça, c'est d'une tristesse sans fin
Parce que ça, c'est un peu le début de la fin de l'humanité.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Salette,

Je capote sur tes textes. Fallait que je te le dise. Je suis fille et petite-fille de meunier. Tout a changé. La campagne n'est plus profonde mais industrielle et triste. Et j'en pleure aussi en te lisant. BTW je vais lire Jean Barbe puisque tu en dis tellement de bien.

Salette a dit...

MERCI MERCI MERCI... Mia
Et
Mes hommages à tes aïeux!!!!