La simplicité devient simple quand l'essentiel des déplacements se limite à passer de la maison au champ, au fond d'un rang perdu. L'absence de salaire est peu douloureux en l'absence de sollicitation. EN campagne profonde il n'y a rien à acheter, sauf des légumes à mon kiosque le vendredi après midi. Et je serais en situation de sevrage intense, en manque profond si mon envie de consommer m'amenait à m'acheter des légumes à moi-même. Quand je suis fermière, je quitte rarement mon coin de terre. Quand je m'en éloigne, c'est pour livrer mes légumes et en ces occasions, je suis pas mal trop sale pour aller arpenter les centres d'achats. Remarquez que je me suis accroché les pieds une fois, incidemment dans un magasin de souliers. Quand j'ai retiré mes gougounes, mes pieds étaient si crasseux (mais non point nauséabonds, je tiens à le souligner) que la vendeuse est devenue livide. En campagne profonde, on use nos vêtements à la corde, ce qui est rare en Occident - et j'ajoute ici que les vêtements de plein air de qualité sont vachement difficile à user - j'ai dû faire 80km à 4 pattes avec mes pantalons North Face achetés en 1998 avant qu'un fil barbelé me mette les fesses à l'air. J'ai fêté ça, j'étais écoeurée de les porter.
Or, maintenant que j'ai une personnalité multiple et que j'oscille entre gros cul et petit gigot, entre talons hauts et gougounes, rouge à lèvre et hâle de limon, la simplicité est devenue obligatoirement volontaire.
J'ai maintenant un salaire.
Sur ma route, je croise des vitrines de magasins.
Des fois, j'arrête. Et on m'y appelle madame.
Toujours on me demande si j'ai la carte Airmiles.
Ben non... j'ai rien acheté depuis 5 ans.
Et là...
Le diable est entré en moi.
Il ne s'habille pas encore en Prada mais il multiplie les petits pots.
Depuis toute petite, c'est ma bête noire.
La bibitte se transforme en obsession. Une maladie mentale.
Et là, il y a une pharmacie qui a ouvert - avec toute la gamme de produits Benefits - dont je regarde le catalogue racorni que ma belle soeur m'avait rapporté de chez Sephora, Paris, il y a 7 ans
Et là, il y a une autre pharmacie qui a été rénovée et qui tient Clarins et Nuxe...
un peu plus et ils vendent des produits Keihl's à la station d'essence, Caudalie au dépanneur, l'Occitane au casse-croute et l'eau de Foucaud coule à la place de l'eau de source chez le bonhomme G.
Ce serait la catastrophe,
mais j'aurais une peau à l'allure d'être retouchée à photoshop
Voilà que la simplicité devient un choix et non une obligation.
Un choix renouvellé sans arrêt devant le bombardement d'extraordinaires produits de consommation.
Et des fois, je l'avoue, je flanche...
quelques chouchoux:
Lemon Aid et Dr Feelgood de Benefits
Bain aux plantes Relax, Doux nettoyant moussant, éclat minute embelliseur teint, Souffle de rouge de Clarins
l'exfoliant et le masque frais hydratant de Nuxe
Tous contiennent des Parabenes, sont non bio, coûtent démesurément cher, sont probablement testés sur les animaux (du moins leurs composantes le sont), et font un bien fou... au moral!
C'est con de même... la chaire est faible.