mercredi 12 décembre 2007

la mort, l'automne

Hier matin, 5h, S s'est glissé hors du lit pour accomplir l'ignoble.
Il s'est faufilé en douce dans le poulailler, tel un abominable renard.
Il s'est emparé des belles grosses dindounes une par une pour les encager 3 par 3.
Il devait faire -20 mais il suait à grosses gouttes, nos 17 oiseaux de Noel, mi-dinosaure mi-autruches, avaient atteint le poids vénérable de 9kg malgré leur vie au grand air.
À les transporter, 3 par cage dans 40 cm de neige, il s'est gelé les poils de nez et a mouillé sa tuque.
Il a entassé les cages dans la remorque et les a amené vers leur mort.
Elles n'ont pas bronché. Mais je n'irai pas jusqu'à croire qu'elle étaient résignées.
Leurs jours étaient comptés.
Il ne leur en restait plus.

Depuis que nous sommes à la fermes, nous élevons nos oiseaux. Pour nous nourir.
Avant la ferme, j'ai vécu 13 ans de végétarisme.
À la ferme, je me suis remise à un régime omnivore. Je ne ferai pas ici un essai sur les raisons de ma transition bien que mon choix soit fondé sur des préoccupations philosophiques, politiques, scientifiques et environnmentales.
Si j'écris cela ici, c'est parce que tuer les oiseaux c'est une expérience philosphique.
À date on a toujours tué les animaux à la ferme.
Égorgés, tués, plumés, nettoyés, congelés de façon artisanale.
Souvent des amis nous aident. Il n'y a rien de plaisant la dedans mais c'est un geste essentiel. Nous tuons pour manger. Nous rendons grâce, nous remercions et nous accomplissons le sacrifice. Et après c'est la fête, nous mangeons.

Cette année, nous avions beaucoup d'oiseaux. Nous avons eu la chance d'avoir de l'aide pour la tuerie des poulets, oies et canards.
Et puis il restait les dindounes qui glougloussaient.
Et puis il y a eu la neige.
On a attendu un redoux.
Mais non... il a neigé de plus belle.
Pas d'eau.
On s'est résignés à amener nos belles grosses boules de plumes à l'abattoir.
Quelle mort laide.

ce matin en me levant, j'ai regardé le poulailler dans le peu d'aube qu'il y avait.
Les portes béantes, inhabité.
J'ai dit à S: 'Ça fait drôle, hein, le poulailler vide?'

Poulailler vide, maison ronde vide,
plus d'oiseaux, plus d'équipe,
c'est l'hiver qui commence...

Hommage aux dindounes

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